Le Point Pop L'évolution de la représentation cinématographique de l'homme-araignée est un passionnant miroir de la société. À chaque film, un instantané de la jeunesse ! 2017. Tom Holland, le plus juvénil dans Homecoming ». 2012. Andrew Garfield, le plus tourmenté dans The Amazing ­Spider-Man ». 2002. Tobey ­Maguire, le plus ­classique dans Spider-Man » © collection christophel/columbia pictures/marvel entertainment - collection christophel C'est le plus populaire de tous les super-héros ! Pour la troisième fois en à peine quinze ans, Spider-Man renaît sur grand écran avec un nouveau visage, plus juvénile après le gentillet Tobey Maguire et le ténébreux Andrew Garfield, voici la pile électrique Tom Holland. L'objectif de Spider-Man Homecoming ? Parler aux ados d'aujourd'hui plutôt qu'aux fans, désormais adultes, de la première heure. La démarche n'est pas insensée lorsque Stan Lee et Steve Ditko imaginèrent Peter Parker, en 1962, ils s'adressaient à des adolescents lassés des figures patriarcales de Batman et Superman. À chaque adaptation, l'homme-araignée a embrassé les codes contemporains et présenté un portrait fascinant des jeunes de son époque. Celui de 2017 ne fait pas exception. L'ado malagauche Spider-Man de Sam Raimi 2002 Juin 2002, le monde se rue en salle pour découvrir le premier visage de Peter Parker sur grand écran. Tobey Maguire incarne ce que Steve Saffel décrit dans Spider-Man The Icon comme l'archétype absolu de l'adolescence » un dadais boutonneux, au corps en pleine mutation, amoureux d'une fille qu'il ne peut avoir. Mordu par une araignée radioactive, Parker développe la capacité de sécréter un fluide visqueux translucide qui, une fois éjecté, devient une toile ultrarésistante. Une métaphore géniale de l'éjaculation pubère pour illustrer le passage à l'âge adulte », explique Olivier Delcroix, auteur des Super-héros au cinéma. Le choix d'un acteur de 26 ans pour incarner un gamin de 17 ans n'est pas anodin à travers Maguire, le réalisateur Sam Raimi livre son regard d'adulte sur l'adolescence. Son Spider-Man est à la fois plus candide et plus grave. C'est un marginal gauche et timide, un geek comme on les considérait avant que leur culture n'embrase l'air du temps. Il porte le deuil du 11 Septembre – le film était en postproduction quand les tours sont tombées et Sam Raimi a ajouté plusieurs allusions à la douleur des New-Yorkais. Ce contexte particulier a fait de l'homme-araignée l'icône vers laquelle l'Amérique s'est tournée pour panser ses plaies, l'emblème d'une ville qui se cherchait un sauveur. Le geek branché The Amazing Spider-Man de Marc Webb 2012 Dix ans plus tard, la culture comics a submergé Hollywood. Christopher Nolan lui a donné ses lettres de noblesse en plongeant Batman dans un bain de réalisme au sous-texte politico-freudien. Facebook a débarqué, Twilight et ses beaux ténébreux aussi, et le geek est devenu cool. Le nouveau Spider-Man recycle à dessein l'un des héros de The Social Network pour en faire un Peter Parker au goût du jour. Il passe son temps sur un skate, symbolise cette jeunesse de l'évitement qui surfe sur la Toile et ne veut pas poser les pieds par terre », résume Olivier Delcroix. Mais, s'il tente de les fuir, ce héros-là reste néanmoins conscient qu' un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Le youtuber décomplexé Spider-Man Homecoming de Jon Watts 2017 La génération YouTube s'est monétisée, smartphones et réseaux sociaux stimulent les réflexes d'exhibition des millennials, les polémiques sur la diversité ethnique et la misogynie ont éclaboussé l'industrie du cinéma. Pas étonnant, donc, que Homecoming prenne un virage à 180 degrés par rapport au Spider-Man des origines. Incarné par le plus jeune de tous ses interprètes, Tom Holland, 19 ans au moment du casting, le Peter Parker de 2017 poste ses exploits en vidéo sur la Toile, fait joujou avec un costume truffé de gadgets, ne réfléchit guère avant d'agir et multiplie les bouffonnades, tout en évoluant dans un lycée bien plus multicolore que celui de ses prédécesseurs. Raimi avait traité Spider-Man comme un mythe, Watts le démythifie complètement pour le rendre plus identifiable par les jeunes, à qui il tend vraiment un miroir », commente Olivier Delcroix. Mais, à trop vouloir courtiser une génération immergée dans son insouciance technologique, ce Spider-Man égare quelque peu une autre constante fondamentale dans le lien tissé entre le héros et son public l'émotion. Ah, le difficile exercice qui consiste à concilier respect d'une icône et adaptation aux évolutions de la jeunesse ! Notre avisGrâce à un accord passé entre Sony Pictures et Marvel Studios, Spider-Man a rejoint l'univers partagé des Avengers. Il avait été introduit l'an dernier dans Captain America Civil War en tant que recrue prometteuse dénichée par Iron Man. Galvanisé par ces événements, Peter Parker retrouve ici un quotidien qu'il juge un peu trop fade. Tony Stark lui a donné pour mission d'être le gentil superhéros du quartier qui va chercher les chats dans les arbres, qui aide les vieilles dames à traverser la rue et qui arrête les petits délinquants », décrit son charismatique interprète, Tom Holland. Bref, notre araignée s'ennuie et va donc chercher par tous les moyens à prouver sa valeur. Quitte à faire bien des bêtises... Les péripéties s'enchaînent aussi rapidement que les traits d'humour et d'autodérision, livrant en creux la photographie d'une génération qui refuse de s'attarder sur la réflexion ou la gravité des événements actuels, préférant les évacuer d'une pirouette moqueuse. A ce titre, Spider-Man Homecoming est peut-être le meilleur manuel jamais conçu d'initiation au fonctionnement des millennials ! Je m'abonne Tous les contenus du Point en illimité Vous lisez actuellement 3 Spider-Man, 3 portraits différents de l'ado et du geek Le pouvoir expliqué par les séries 8,90€ Qui n’a jamais réfléchi à l’ascension du populisme devant un épisode des machiavéliens Game of Thrones ou Baron Noir ? Ou au bien-fondé – ou pas – de la transparence en politique en visionnant Borgen ? Quant au succès planétaire de La Casa de papel, ne reflète-t-il pas la montée de la pensée antisystème » dans nos démocraties ? Plus pragmatiquement, que nous enseignent, du pouvoir, de ses enjeux et de ses jeux, sur la manière dont on le conquiert et dont on le garde, les grands récits contemporains que sont les séries ? Soyez le premier à réagir Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.